Je
tombe toujours sur les mêmes personnes,
sur le même genre d’individus quand je monte dans le wagon ou dans la rame de
métro. Et peu importe la destination, le numéro de la ligne, l’heure et le
jour !
A
chaque fois, c’est le même scénario: soit je monte et ils sont déjà là, en
place et je n’y ai vu que du feu. Soit, ils montent dans mon wagon et ils se
placent en face de moi, enfin toujours dans ma ligne de vue, à portée de ma
mire.
Je connais leurs discours presque par cœur, car il est aussi déclamé avec
cœur. Les mots sont souvent couverts par les bruits saccadés des roues frottant
sur les rails à peine usés depuis que le métro est métro.
Alors
ils haussent le ton pour se faire entendre et là, leur voix fuse et fusèle dans
le compartiment et on peut capter, intercepter …sans emploi (…) ticket (…)
petite pièce (…) voyage et merci.
Je
les regarde et j’essaie à chaque fois de comprendre ce qu’ils nous jettent à la
face, à nous bien à l’abri dans le wagon. Je donne ce que je peux, un regard,
un sourire, un désolé… je sais que ce n’est pas avec ça qu’on mange mais
parfois c’est pris au vol et ça reste peut-être inscrit quelque part dans leur
journée.
Et
ça se termine toujours de la même façon.
Je
descends avant eux, les laissant à leur chanson ou à leur quête sans jamais
insister avec une pudeur et un
déterminisme caché, un paradoxe réel, une contradiction affichée.
Ou
bien ils sortent pour envahir de leurs doléances le wagon précédent, suivant un
vrai chemin de croix et de fer.
J’entends
leur plainte un laps de temps, celui de leur trajet.
Font-ils
partie à ce point de mon paysage de désolation quotidienne pour être oubliés une
fois la porte du wagon refermée ?
Je ne sais plus…Je ne veux pas m’habituer à tout… M’en rendrais-je compte si
c’était le cas ?
Je ne sais pas…